• L'Estonie

    C'est le plus au nord des trois pays baltes. C'est celui qui a le plus haut niveau de vie. Il est depuis longtemps tourné vers les pays Scandinaves et en particulier la Finlande. Helsinki n'est qu'à 80 km de Tallinn (équivalent à La Havane-Floride) et le drapeau ressemble à celui de la Finlande barré de noir en souvenir des années d'esclavage. La langue estonienne est apparentée au finlandais et au hongrois.

    L'histoire du pays a été troublée par des dominations successives.

     Au début les riches terres estoniennes permettaient de faire du commerce avec les Vikings en céréales. Ensuite le pays tomba sous le joug des moines soldats allemands qui réduirent le peuple à l'esclavage. Au grès des guerres successives l'Estonie fut occupée en alternance par les Suédois et les Russes. L'indépendance de l'Estonie sera acquise en 1918 mais pas pour très longtemps. Dans le paquet du pacte germano-soviétique, le pays fut intégré à l'Allemagne nazie, ce qui lui permit d'être libéré par l'Union Soviétique. Années noires où l'Estonie disparait du radar. Déportations massives vers la Sibérie. Russification effrénée, interdiction du drapeau, des journaux, des livres, de la langue. Une diaspora importante se retrouva en Finlande.

    L'indépendance est retrouvée  en 1991 à l'effondrement soviétique. L'Estonie se raccrocha très rapidement à l'Union Européenne, à Schengen, à l'Otan, à l'Euro. Aujourd'hui l'Estonie a 110 km de frontière terrestre (et bien plus de frontière fluviale) avec un voisin inquiétant. Beaucoup de Russes sont restés après le départ des soviétiques. Ils constituent une minorité importante. Ils n'ont pas la nationalité russe mais pas non plus estonienne car il est nécessaire de parler estonien pour l'avoir. Ils ont un passeport "gris" qui en font des sous-estoniens sans droit civique. Ils forment une communauté où se trouve les couches les plus pauvres du pays. Et la Russie veille à ce que cette communauté ne soit pas trop malmenée.... Les événements de Crimée sont vécus ici avec appréhension.

    En attendant l'Estonie cultive ses racines avec modernité. Ici c'est la Silicon Valley de l'Europe. C'est le pays de toutes les expérimentations autour d'internet.

     

    Extrait LE MONDE du 25 12 2016 F Lemaitre

    Un samedi soir d’été à Tallinn, Estonie. Dans ce port de la Baltique, des milliers de touristes venus du monde entier et notamment d’Asie prennent d’assaut les restaurants de la vieille ville hanséatique magnifiquement restaurée. De son côté, la jeunesse locale envahit le quartier branché de Telliskivi : d’anciennes usines reconverties en « creative city ». Bars, galeries, magasins de vêtements, clubs… le choix est vaste. Dans un concept store ouvert le jour même, deux élégantes jeunes femmes, la patronne et une amie, vendent des objets design portant tous une inscription qui met en valeur les trois premières lettres du pays : sexiEST, the bEST, boldEST, ESTonishing…

    « Nous ne sommes que 1,3 million d’habitants. Notre avenir ne dépend pas de nous. Comment évoluera l’Europe ? Que fera Poutine ? C’est ça qui importe. », une vendeuse

    Oui, elles aiment leur pays et en sont fières. L’époque est heureusement révolue où, pour réussir, une Estonienne se devait d’épouser un Finlandais et d’oublier sa langue, comme dans Les Vaches de Staline, le roman de Sofi Oksanen (Stock, 2011). S’exprimant dans un anglais parfait, l’amie – qui a déjà vécu en Espagne – aime Tallinn et n’entend plus vivre à l’étranger. Elle n’est pas optimiste pour autant. « Vous savez, nous ne sommes que 1,3 million d’habitants. Notre avenir ne dépend pas de nous. Comment évoluera l’Europe ? Que fera Poutine ? C’est ça qui importe. »

    Ce sentiment de ne pas être maître de son destin, je le retrouverai tout au long de ce voyage aux frontières de l’Europe. Alors qu’à Tallinn la moitié des habitants sont russes, mon interlocutrice reconnaît ne pas avoir d’ami russophone. « Il faudrait d’abord qu’ils apprennent notre langue et arrêtent de la considérer comme un dialecte », se justifie-t-elle. Comme la Lettonie, l’Estonie exige des Russes, très nombreux dans le pays, qu’ils parlent la langue officielle pour obtenir la nationalité et bénéficier des droits afférents. Une condition loin d’être évidente, notamment pour les personnes scolarisées du temps de l’URSS.

    Ecarts manifestes entre régions

    Les Estoniens cachent à peine leur mépris pour ces citoyens de seconde zone. « Vous voulez vraiment aller à Sillamäe ? » L’employée de l’office du tourisme de Tallinn ne comprend pas. Qu’y a-t-il à voir dans cette ville située tout à l’Est, à une trentaine de kilomètres seulement de la Russie ? Elle-même ne s’y est jamais rendue. Il est vrai que Staline, qui y avait fait construire un centre de retraitement nucléaire, en avait interdit l’accès aux non-Russes. Sillamäe ne figurait même pas sur les cartes. Aujourd’hui, 96 % de la population locale est russe, un record, et la municipalité n’a d’autre atout à faire valoir que la préservation de son urbanisme soviétique, qui permet aux visiteurs de comparer les styles architecturaux de trois maîtres du Kremlin : Staline, Khrouchtchev et Brejnev.

    Hier ville fantôme, Sillamäe est donc une butte témoin d’une époque que l’Estonie aimerait révolue. Du coup, l’écart – et le ressentiment – se creuse entre cette ville de 15 000 habitants où le temps semble s’être arrêté il y a une quarantaine d’années et le reste du pays : l’orgueilleuse Tallinn, mais aussi Tartu l’universitaire et Parnu la balnéaire. Pendant que Sillamäe se meurt et brade ses logements – un appartement de 65 m2 ne vaut que 8 000 euros –, à Tallinn une page se tourne : un promoteur transforme en « appartements de luxe » les anciens locaux du KGB de sinistre réputation.

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